La mise à disposition d’un immeuble par sa société est constitutif d’un avantage en nature taxable au titre de rémunération. Cet avantage en nature (ATN) s’évalue de la manière suivante:
Normalement, les avantages de toute nature obtenus autrement qu’en espèces sont en principe taxables à concurrence de leur « valeur réelle » dans le chef du bénéficiaire. Certains avantages peuvent toutefois être évalués de manière forfaitaire dont notamment la mise à disposition gratuite d’un logement qui nous occupe ici (article 18, de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « AR/CIR 92 »).
Concrètement, l’AR/CIR 92 prévoit que l’avantage est fixé à « 100/60 du revenu cadastral (indexé) » de l’immeuble qui est mis à disposition.
Distinction entre personnes physiques et personnes morales
Si c’est une société (ou toute autre « personne morale ») qui met l’immeuble à disposition, l’avantage doit être augmenté en le multipliant par un facteur déterminé qui varie selon le montant du revenu cadastral (RC) (ce qui n’est pas le cas si c’est une personne physique qui le met à disposition) : si le RC ne dépasse pas 745 EUR, le facteur de multiplication s’élève à 1,25 et si le RC est supérieur à 745 EUR (ce qui sera souvent le cas), le facteur de multiplication atteint 3,8. Rappelons que jusqu’en 2012, ce facteur de multiplication était fixé à 2. Depuis lors, comme on le verra ci-dessous, la pression fiscale sur le dirigeant ou le travailleur a donc fortement augmenté.
– exemples:
- Un entrepreneur qui exerce en personne physique met à disposition de l’un de ses employés une villa située à Waterloo, dont le revenu cadastral de base s’élève à 2000 euros. Le travailleur ne paye pas de loyer de sorte que l’avantage est calculé selon la formule suivante : 2000 x 1,7491 x 100/60, soit 5.830,33 euros par an.• Le même entrepreneur exerce cette fois son activité en société et met à disposition de l’un de ses employés la même villa (ou la société lui met celle-ci à sa disposition). La formule sera alors la suivante : 2000 x 1,7491 x 100/60 x 3,8 = 22.155,27 euros.
S’il s’agit d’une « habitation meublée », l’avantage fixé doit dans tous les cas être majoré de 2/3 (art. 18, § 3, 2, AR/CIR 92).
Le montant ainsi calculé s’ajoutera aux autres revenus professionnels du dirigeant ou du travailleur qui seront soumis aux taux progressifs par tranches à l’impôt des personnes physiques.
L’évaluation de l’avantage qui résulte de la mise à disposition gratuite d’un logement est bien plus élevée («1,25 ou 3,8 ») si c’est une société qui le met à disposition de son dirigeant ou d’un travailleur plutôt qu’une personne physique.
Principe constitutionnel d’égalité
La Cour d’appel de Gand et d’Anvers ont récemment eu l’occasion de se pencher sur la question de la conformité de cette disposition au regard du principe d’égalité. Ces arrêts ont considéré que le principe constitutionnel d’égalité était violé au motif que l’administration n’avait pu fournir aucune « justification raisonnable et objective » à cette évaluation différenciée.
L’administration fiscale justifie cette différence de traitement par le fait qu’une société mettait souvent gratuitement une habitation d’un certain standing à la disposition de son dirigeant, alors qu’une personne physique mettait à disposition une habitation plus modeste au profit de son travailleur « ordinaire »…
Ces deux Cours d’appel estiment que l’AR/CIR 92 n’apporte aucune justification raisonnable et objective à la distinction entre personne physique et personne morale, qui conduit à un régime plus défavorable pour l’évaluation de l’avantage de toute nature du fait que l’avantage est octroyé par une personne morale. Cette évaluation plus élevée, dans le cas d’une mise à disposition par une société (« personne morale »), est donc contraire au principe d’égalité garanti par la Constitution.
Sur la base de l’enseignement de ces arrêts, on ne peut que recommander au contribuable d’introduire une réclamation en temps utile si ce facteur de 1,25 ou 3,8 a été appliqué pour évaluer son avantage de toute nature, afin de préserver ses droits, dans la mesure où cette matière sera probablement encore amenée à évoluer dans un sens favorable aux intérêts du contribuable.