Les avantages de toute natures obtenus autrement qu’en espèces doivent être évalués à leur « valeur réelle » dans le chef du bénéficiaire[2]. Ces règles d’évaluation forfaitaire figurent à l’article 18, AR/CIR 1992 et portent notamment sur la « disposition gratuite d’immeubles ou de parties d’immeubles ».
Pour les immeubles bâtis, les règles d’évaluation prévoient que l’avantage est fixé à 100/60 du Revenu Cadastral (indexé) de la partie de l’immeuble qui est mis disposition.
Si l’auteur de cette mise à disposition est une ‘personne morale’, ce chiffre doit être augmenté en le multipliant par un facteur déterminé en fonction du RC (1,25 ou 3,8 si le RC dépasse 745 euros).
Cette différence de traitement pour les personnes morales est-elle compatible avec le principe d’égalité ?
Dans un arrêt du 24 mai 2016, la Cour d’appel de Gand a estimé que le principe constitutionnel d’égalité était violé au motif que l’Administration n’avait pu fournir aucune « justification raisonnable et objective » à l’évaluation différenciée.
Dans un arrêt du 24 janvier 2017 [1]la Cour d’appel d’Anvers confirme cette position en constatant que le texte de l’AR/CIR 1992 n’apporte aucune justification raisonnable et objective à la distinction opérée.
Elle ne retrouve pas non plus cette justification dans le préambule des AR qui ont jadis instauré l’évaluation différenciée dans l’AR/CIR 1992. Et comme aucun Rapport au Roi n’a été joint à ces AR, on ne peut pas non plus en déduire de justification. Selon la Cour, il n’existe aucun document dont il peut être considéré que le contenu a servi à la préparation des arrêtés royaux ci-dessus et dans lequel une justification serait donnée à la distinction contestée.
L’administration a justifié en cours de procédure que les dirigeants d’entreprise bénéficient de plus belle habitation mise à leur disposition par leur société que les travailleurs ordinaires. La cour relève toutefois que la distinction ne porte pas sur la catégorie de travailleurs. Selon la Cour, la justification complémentaire de l’Administration ne peut pas être prise en considération, étant donné l’absence de tout élément susceptible d’étayer cette justification.
Selon la Cour, le dirigeant d’entreprise a démontré à suffisance que dans sa déclaration à l’IPP, il a commis une « erreur de droit » en faisant application d’une règle d’évaluation inconstitutionnelle : la règle conduit à un régime plus défavorable pour l’évaluation de l’avantage de toute nature du fait que l’avantage est octroyé par une personne morale, alors que ce régime n’est étayé par aucune justification objective et raisonnable.
Les Cours et tribunaux ne peuvent appliquer les arrêtés et règlement que pour autant qu’ils soient conformes aux lois (cf. art. 159 de la Constitution), la Cour décide que la cotisation doit être annulée dans la mesure où cette cotisation impose l’avantage de toute nature tel que déterminé selon les règles prévues dans le cas où l’immeuble est mis à disposition par une personne morale.
Emmanuel Delannoy
Avocat – Droit fiscal
ed@guilmotbassine.com
Cet article a été publié dans le Bulletin Juridique et Sociale n°584 (www.lebulletin.be) par maître Emmanuel Delannoy
[1] Gand, 24 mai 2006 et Anvers, 24 janvier 2017, le Fiscologue n° 1509 du 17 février 2017, pp. 8 à 10.
[2] art. 36, § 1, CIR 1992