La Cour constitutionnelle a confirmé, dans son arrêt du 28 novembre 2024 (n° 145/2024), qu’il n’est pas discriminatoire d’exiger un paiement en espèces pour que les pertes sociales prises en charge par un dirigeant d’entreprise puissent être déduites au titre de frais professionnels.
Un simple débit du compte courant ne suffit donc pas.
Un cadre fiscal strict pour la prise en charge des pertes
Les dirigeants d’entreprise ne peuvent normalement pas déduire au titre de frais professionnels les pertes sociales qu’ils prennent en charge, sauf si certaines conditions strictes sont remplies. L’une d’elles impose que cette prise en charge soit effectuée par le « paiement irrévocable et sans condition d’une somme » (art. 53, 15°, CIR 1992).
L’Administration fiscale considère qu’un simple débit du compte courant du dirigeant au profit de la société ne remplit pas cette condition (Com. IR 92, n° 53/224).
Cette position a été confirmée par la Cour de cassation le 30 novembre 2023, elle a toutefois soumis à la cour constitutionnelle l’appréciation de la violation du principe d’égalité de cette interprétation.
Absence de discrimination selon la Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle a examiné le contexte de l’article 53, 15°, CIR 1992 et rappelé son objectif premier : lutter contre l’évasion fiscale. Le législateur a voulu empêcher l’utilisation abusive de structures sociétaires pour créer artificiellement des pertes fiscales. C’est pourquoi la déduction des pertes prises en charge n’est permise que si un paiement effectif et définitif en espèces est réalisé, garantissant ainsi que la société dispose de liquidités suffisantes.
La Cour a rejeté l’argument selon lequel il existerait une discrimination entre :
- un dirigeant qui apure les pertes de la société en renonçant à une créance figurant sur son compte courant (non déductible), et
- un dirigeant qui met des fonds à disposition de la société sans passer par son compte courant (déductible).
Elle a conclu que la différence de traitement repose sur une justification raisonnable et qu’il n’y a donc pas de violation du principe d’égalité.
Une tolérance administrative ancienne
Il convient toutefois de rappeler que l’Administration accepte, « par mesure d’équité », que l’apurement d’avances en numéraire consenties antérieurement par le dirigeant à sa société puisse être assimilé à un paiement effectif, sous réserve que le lien entre ces avances et la perte sociale soit clairement établi (Com. IR 92, n° 53/228).
En définitive, cette décision renforce le principe selon lequel la déduction fiscale des pertes prises en charge par un dirigeant exige un véritable transfert de liquidités, et non une simple opération comptable interne à la société.
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