Le gouvernement avait annoncé son intention de lutter plus efficacement contre les « constructions juridiques » visées par la taxe Caïman.
C’est désormais chose faite depuis l’arrêté royal du 21 novembre 2018 qui définit une nouvelle liste des personnes morales établies dans l’Espace Economique Européen (EEE) soumises à la taxe Caïman.
Pour rappel, la taxe caïman permet à l’administration fiscale belge d’imposer, par transparence, un contribuable belge sur les revenus perçus par une « construction juridique » dont il est le bénéficiaire, comme s’il les avait lui-même encaissés directement.
Une entité dotée de la personnalité juridique répond à la qualification de « construction juridique » dans le cadre de la taxe caïman si elle n’est pas soumise, dans l’Etat où elle est établie, à un impôt sur les revenus ou si elle y est soumise à un impôt sur les revenus qui s’élève à moins de 15 % de son revenu imposable.
Deux catégories de structures étaient précédemment visées :
- La première catégorie comprend toutes les constructions fiduciaires, notamment les trusts (qui sont des entités sans personnalité juridique) (l’Anstalt au Liechtenstein, la Stiftung au Liechtenstein et la Société de gestion du patrimoine familial au Luxembourg). (liste EEE)
- La deuxième catégorie reprend les structures dotées de la personnalité juridique qui ne sont pas soumises à l’impôt dans le pays où elles sont établies ou qui peuvent y bénéficier d’un régime fiscal sensiblement plus avantageux (ce qui signifie qu’elles y paient moins de 15% d’impôt (des sociétés)).
Pour éviter l’application de la taxe caïman, certains contribuables ont interposé une structure intermédiaire «compatible» avec la taxe Caïman entre eux et la construction juridique visée (e.a. une société de droit belge, une Soparfi luxembourgeoise, etc.).
En réaction, la Loi-programme 25 décembre 2017, a élargi le champ d’application de la taxe Caïman pour lutter contre ces « doubles structures ».
La nouvelle mouture de la taxe prévoit que lorsqu’une entité juridique convertit son portefeuille d’actifs en un produit d’assurance, le prélèvement sera dû.
En procédant à cette extension, le gouvernement mis fin à une controverse en admettant que de tels organismes de placement collectifs n’étaient précédemment pas visés par la taxe.
L’arrêté royal du 21 novembre 2018 dernier élargit encore la liste des entités EEE visées par la taxe Caïman.
Tout d’abord, les entités nommément désignées n’y figurent plus mais restent dans le champ d’application de la taxe Caïman par le biais d’une nouvelle catégorie d’entités faiblement taxées (pas d’impôt ou impôt inférieur à 1% du revenu déterminé selon les règles belges).
Pour les entités EEE, le seuil de 1% remplace celui de 15%.
On peut regretter le remplacement d’une liste limitative par cette catégorie résiduaire plus générale qui posera certainement des problèmes d’interprétation quant au champ d’application de la taxe. Pour les entités faiblement taxées dotées de la personnalité juridique qui sont établies au sein de l’EEE, le critère du 1 % doit dorénavant être appliqué systématiquement si l’on veut déterminer si l’exception relative aux entités de l’EEE est applicable ou non.
On ne peut donc pas exclure, que certaines sociétés qui étaient précédemment hors d’atteinte, tombent dorénavant dans le champ d’application de la taxe.
Se pose également la question de savoir comment un impôt de moins de 1 % du revenu imposable doit se comprendre et se calculer selon les normes belges.
Ensuite, les fonds dédiés d’OPC privés – p. ex. les SICAV-SIF dédiées luxembourgeoises, pour lesquelles une controverse existait jusqu’alors – sont désormais incontestablement visés, ainsi que toutes les sociétés hybrides, que leurs revenus soient ou non d’origine belge.
Les sociétés hybrides sortent toutefois du champ d’application de la taxe Caïman si la part des revenus de la société revenant à l’associé a subi, dans le pays d’établissement de la société, un impôt de minimum 1% dans le chef de l’associé résident belge.
Le législateur a «également exclu les sociétés hybrides et entités faiblement taxées dont l’activité principale génère des revenus qui, s’ils étaient recueillis directement par l’associé résident belge, seraient exonérés d’impôt belge en vertu d’CPDI.
A titre d’exemple, dans une situation transfrontalière, les revenus immobiliers sont exclusivement taxables dans le pays de situation de l’immeuble.
En conséquence, les SCI ne rentreront pas dans le champ d’application de la taxe Caïman.
Ce régime aurait pu être favorable et permettre d’éviter une double imposition des revenus de ce type de structure.
L’arrêté royal, qui devra être confirmé par une loi, s’appliquera rétroactivement aux revenus perçus par une « construction juridique » à partir du 1er janvier 2018.