Dans ses contacts avec l’administration, le contribuable doit impérativement se réserver la preuve de l’envoi régulier de ses recours / réponses sous peine de sanctions lourdes (irrecevabilité du recours, renversement de la charge de la preuve, amendes, …)
L’administration peut cependant se contenter d’adresser par simple pli ordinaire des documents tels que les avertissement-extraits de rôle dont l’importance est primordiale.
L’avertissement extrait de rôle est en effet un véritable titre exécutoire que l’administration se délivre à elle-même et qui sert de point de départ à l’introduction d’une réclamation fiscale, unique moyen de contester une imposition erronée ou illégale.
L’avertissement-extrait de rôle est également présumé être parvenu à son destinataire. C’est donc le contribuable qui devrait pouvoir démontrer que sa cotisation ne lui a pas été adressée par voie postale. Preuve négative par essence impossible.
Dans le cadre d’un dossier où une autorité administrative succombait année après année sur une question de principe, notre cliente n’avait pas encore reçu sa cotisation pour l’exercice en cours alors que cette dernière avait déjà été enrôlée.
Hasard ou coïncidence ?
Elle a dû introduire sa réclamation de manière tardive, une fois les délais légaux dépassés, lorsqu’elle a pris connaissance de l’existence de la cotisation enrôlée à sa charge lors de son recouvrement.
Se pose la question la recevabilité de son recours administratif et judiciaire.
Dans le cadre de ce litige, nous avons demandé avec maître Salomé Camara au Tribunal de première instance de Liège d’interroger la Cour Constitutionnelle sur cette disproportion procédurale.
Dans un jugement inédit du 23 mai 2024, le Tribunal de première instance Liège division Liège[1] a interrogé la Cour Constitutionnelle quant au déséquilibre probatoire qui existe entre les parties à un procès fiscal en ce qui concerne d’une part l’envoi de la cotisation et d’autre part l’envoi du recours administratif.
Le Tribunal estime que l’administration fiscale dispose d’un avantage de taille compte tenu de la présomption d’envoi régulier des cotisations qu’elle établit.
Cette dernière peut se contenter d’affirmer que l’envoi a effectivement eu lieu à la date indiquée sur l’avertissement-extrait de rôle si les coordonnées du contribuable sont correctes alors même que le contribuable doit quant à lui pouvoir prouver qu’il a effectivement envoyé son recours administratif à la date indiquée sur ce dernier.
Cette présomption d’envoi régulier peut évidemment mener à des abus étant donné qu’elle permet à l’administration de n’adresser la cotisation que des semaines après la date indiquée sur l’avertissement-extrait de rôle, voire ne pas l’adresser du tout.
Lorsque le contribuable prend connaissance de la cotisation à une date ultérieure à celle indiquée sur l’avertissement-extrait de rôle ou généralement suite à la réception d’un rappel de paiement, le délai pour contester la taxe est généralement dépassé.
Non seulement le contribuable n’a que très peu de chance de parvenir à démontrer qu’il n’a pas reçu la cotisation mais il se devra également de prouver que sa réclamation a quant à elle, bien été envoyée à l’administration endéans le délai légal qui court à partir de la date reprise sur cette même cotisation.
Les conséquences qui en découlent dans le chef du contribuable sont irréversibles compte tenu du fait que l’introduction d’un recours administratif valable conditionne la recevabilité de son recours judiciaire.
Ce déséquilibre entre les avantages et les inconvénients des parties à un procès, aboutit à des situations dans lesquelles le contribuable se voit non seulement privé du bénéfice d’un recours effectif mais également de son droit d’accès à un tribunal.
La présomption d’envoi régulier au seul profit de l’administration doit-elle se concevoir au détriment des droits fondamentaux du contribuable ?
Il appartient désormais à la Cour Constitutionnelle de trancher cette épineuse question.
On espère que la Cour Constitutionnelle ne se retranchera pas derrière de simples questions budgétaires (des solutions techniques existent) ou se contentera comme elle l’avait fait il y a quelques années de prolonger de trois jours les délais de réponse.
Affaire à suivre…
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[1] Civ. Liège, 23 mai 2024, 23/17/A.