L’attribution d’un immeuble aux associés d’un immeuble provenant d’une société est traitée par les articles 129 et 130 du Code des droits d’enregistrement.
Lors de l’achat d’un immeuble en société, la pratique visait à créer une indivision originaire avec le gérant et ou les actionnaires.
L’objectif de cette mesure est de bénéficier du tarif réduit de 2,5% de droit d’enregistrement sur les sorties d’indivision visé à l’article 109, 2° du code des droits d’enregistrement dans l’hypothèse où il faudrait sortir par la suite l’immeuble de la société au profit du gérant ou des actionnaires.
L’administration fiscale estime depuis quelques années[1] que l’application du droit de partage doit s’écarter au profit des articles 129 et 130 du code des droits d’enregistrement.
L’article 130 prévoit que l’acquisition d’immeubles situés en Belgique appartenant à une société par action ou une société coopérative est soumise au droit de vente.
L’article 129 prévoit toutefois pour certaines sociétés (comme la srl) quelques exceptions à ce principe
- Lorsque l’associé qui récupère l’immeuble est celui qui l’a apporté où
- Lorsque l’associé qui récupère l’immeuble était associé au moment où la société a acquis cet immeuble avec paiement du droit de vente ;
Selon l’administration fiscale « l’article 130 est très explicite : chaque acquisition par un associé autrement que par voie d’apport en société est soumise au droit prévu pour les ventes.
L’article ne distingue pas selon que l’associé a agi en qualité d’associé ou non. Les textes légaux clairs ne nécessitent pas d’interprétation. La loi spécialisée (art. 129 C. enreg.) a primauté sur les textes de loi généraux (art. 109, 2°. C. enreg.). Le fait qu’un associé soit traité autrement qu’un non-associé est une particularité de ces articles qui sont des articles anti-fraude ».
Cette position administrative fut largement suivie par les Cours et tribunaux[2].
La Cour constitutionnelle avait déjà estimé par le passé qu’en ce qu’il est applicable à la cession totale ou partielle d’un immeuble d’une société anonyme à un de ses associés, l’article 130 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe ne viole pas le principe d’égalité et de non-discrimination (articles 10, 11 et 172 de la Constitution)[3]
Selon la Cour, ces dispositions anti-abus ciblées ne portent aucunement atteinte au principe du choix de la voie la moins imposée
La Cour de cassation a définitivement tranché ce débat dans un arrêt du 6 janvier 2023.
Selon la Cour, il ressort du texte et de l’historique législatif de l’article 130 du Code des droits d’enregistrement que c’est cet article, et non l’article 109, 2°, du Code des droits d’enregistrement, qui est applicable pour toute acquisition par un associé de biens immobiliers situés en Belgique provenant d’une société de capitaux, quelle que soit la manière dont elle est effectuée.
Ainsi, l’article 130 du Code des droits d’enregistrement s’applique également à l’acquisition par un associé en sa qualité de copropriétaire d’un bien immobilier des droits indivis sur ce bien provenant de la société par actions dont il est associé.
La Cour précise qu’il résulte du texte et de la cohérence de ces dispositions législatives, ainsi que du principe selon lequel les lois spéciales qui dérogent à la loi générale sont appliquées en priorité et à l’exclusion des lois générales (« lex specialis derogat lex generalis »), qu’il convient d’appliquer l’article 130 du Code des droits d’enregistrement en priorité et à l’exclusion de l’article général 109, 2° du Code des droits d’enregistrement.
L’article 130 du Code des droits d’enregistrement est également applicable sur l’acquisition par un associé ou un actionnaire de sa société des droits indivis sur un immeuble par abandon de ces droits indivis par la société à l’associé ou à l’actionnaire, même si l’achat commun antérieur en indivision du bien par la société et l’associé ou l’actionnaire a été soumis au droit d’enregistrement proportionnel d’achat.
Le contribuable qui souhaite sortir un immeuble de sa société devra désormais privilégier les formes sociales visées à l’article 129 du CDE (une srl plutôt qu’une SA) et vérifier si les conditions de cet article sont respectées.
Dans l’hypothèse où il serait nécessaire de transformer la forme sociale de la société il faudra veiller à respecter les dispositions du code des sociétés et des associations et de ne pas rencontrer le prescrit de la disposition anti -abus qui rend inopposable à l’administration fiscale les opérations réalisées exclusivement en vue d’obtenir un avantage fiscal (on évitera par exemple de transformer sa société la veille de l’acte de cession de l’immeuble.)
[1] décision n° E.E./ 106.218 du 22 septembre 2014
[2] Voyez Gand, 19 juin 2018, Fiscologue, no 1573, 6 juillet 2018, p. 12
[3] C. Const, 20 janvier 2022, ( 9/2022)