Comment valoriser la répartition du prix de vente en cas de vente anticipée d’un usufruit?
En matière d’acquisition immobilière, il n’est pas rare pour un gérant d’entreprise de procéder à l’acquisition scindée d’un immeuble avec sa société.
Le gérant acquiert la nue-propriété de l’immeuble et un droit réel d’usufruit est constitué à son profit.
Les avantages fiscaux d’une telle opération ne sont pas négligeables.
Le financement de l’emprunt contracté par la société en vue de financer l’usufruit est déductible de son bénéfice imposable et elle pourra amortir la valeur de l’usufruit sur sa durée.
Le paiement du précompte immobilier sera à charge de la société, à savoir l’usufruitier.
Tous travaux nécessaires à l’entretien et la conservation de l’immeuble sont à charge de la société et peuvent également être amortis.
Enfin, cette opération permet au gérant de la société de ne pas supporter seul les frais d’acquisitions de l’immeuble. En effet, ceux-ci doivent être supportés par le nu-propriétaire et l’usufruitier pour un pourcentage déterminé à concurrence de leurs valeurs respectives.
Dans le chef d’une personne morale, le droit d’usufruit est temporaire avec une durée maximale de 30 ans (art. 619 C.Civ.).
À l’expiration de l’usufruit, le gérant deviendra plein propriétaire du bien grâce au phénomène de l’accession, sans devoir payer des indemnités ou un quelconque droit d’enregistrement sur l’opération.
Compte tenu des nombreux avantages à procéder à une telle opération, les litiges avec l’administration sont nombreux.
Lors de la constitution de l’usufruit, il y aura lieu d’être vigilant en ce qui concerne (i)la valorisation de l’usufruit et (ii)la prise en charge de certains travaux.
(i). En matière de valorisation d’usufruit, la tendance actuelle est de l’évaluer sur base de sa valeur réelle. Cette valeur réelle équivaut à la valeur actualisée du flux de revenus locatifs nets perçus pendant la durée de l’usufruit.
En cas de surévaluation de l’usufruit, l’administration fiscale estime parfois qu’il y a simulation. Elle pourrait décider de taxer le montant qui dépasse la valorisation réelle de l’usufruit au titre d’avantage de toute nature dans le chef du gérant de la société ou au titre d’avantage anormal ou bénévole dans le chef de la société.
(ii). Dans l’hypothèse où les travaux réalisés par l’usufruitier dépassent le simple entretien en vue de conserver l’immeuble. La société usufruitière serait en droit de demander une indemnité.
À défaut d’indemnité ou si elle est insuffisante, le nu-propriétaire pourrait être soumis à une taxation au titre d’avantage de toute nature.
Tous ces calculs ont toutefois été calculés sur une durée théorique et dans le contexte de crise actuel il n’est pas rare que des opérations de démembrement de la propriété soient remises en question anticipativement.
- Si l’immeuble est vendu avant expiration du droit réel, comment doit-t-on valoriser l’usufruit ?
Lorsque la vente porte sur un immeuble faisant l’objet d’un droit réel démembré, cette dernière doit être consentie par l’usufruitier et le nu-propriétaire de telle sorte que l’acheteur acquerra ainsi la pleine propriété de l’immeuble.
Le nu-propriétaire et l’usufruitier ont chacun droit à une quote-part du prix de vente. L’usufruit étant un droit temporaire, sa valeur se réduit au fur et à mesure que les années s’écoulent, tandis que la valeur de la nue-propriété s’accroît avec le temps.
La SPRL (usufruitière) devra payer de l’impôt des sociétés sur la plus-value réalisée sur l’usufruit
Il faudra être particulièrement attentif à la méthode de calcul employée pour la nouvelle valorisation au risque de se voir la différence perçue par le nu propriétaire en cas de sous-évaluation être considéré comme un avantage anormal ou bénévole dans le chef de la société et/ou un avantage de toute nature dans le chef du gérant.
Deux approches peuvent être envisagées : une approche basée sur la valeur historique basée sur la valeur comptable du bien ou une approche basée sur une valeur réactualisée de l’usufruit au moment de la cession.
La jurisprudence fait application de la deuxième approche. En effet, en cas de vente d’un droit d’usufruit, le droit réel doit être réévalué au moment de la vente. La valorisation doit notamment tenir compte de la valeur locative du bien à ce moment précis et la durée restante de l’usufruit. (Civ., Limbourg (div. Hasselt), 26 février 2018, n°15/3301/A et Civ., Louvain, 11 septembre 2015, n°14/538/A).
Pour obtenir la plus-value dégagée dans le chef de la société usufruitière, deux méthodes sont envisageables :
- Soit, on se base sur la quote-part du prix de vente recueilli par la société usufruitière et on détermine la différence entre cette quote-part et la quote-part du prix d’acquisition de l’usufruit, sous déduction des amortissements déjà actés.
- Soit, on prend le prix de vente global et on applique la formule suivante :
((prix de vente-prix d’achat) x prix de l’usufruit/prix d’achat global) – amortissements déjà actés.
La seconde hypothèse a été retenue par le Tribunal de première instance de Mons dans un jugement du 20 mai 2010.
Dans le chef de la société, l’éventuelle plus-value réalisée peut bénéficier de la taxation étalée (remploi), sous condition de réinvestissement de sa quote-part dans le prix de vente (article 47 du CIR/92).
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