La loi portant l’introduction d’une déduction pour revenus d’innovation remplace la déduction pour revenus de brevets abrogée par la loi du 3 août 2016 portant des dispositions fiscales urgentes par un nouveau régime conformément aux directives du plan d’action BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), rédigé par l’OCDE.
La déduction ne sera plus calculée en fonction des revenus bruts, mais des revenus nets, et sera limitée par la ainsi nommée fraction Nexus.
Les principales différences entre la déduction pour revenus d’innovation et la déduction pour revenus de brevets sont les suivantes :
- Elargissement des droits de propriété intellectuelle
Outre les brevets et certificats complémentaires de protection déjà visés par l’ancienne mesure, les droits de propriété intellectuelle suivants seront désormais éligibles :
- Les droits d’obtention végétale ;
- Les médicaments orphelins ;
- L’exclusivité des données ou l’exclusivité commerciale attribuée par les pouvoirs publics ; et
- Les softwares protégés par le droit d’auteur, y compris les créations dérivées ou les adaptations de software résultant de projets ou programmes de R&D.
Pour les trois premières catégories, les droits doivent avoir été demandés ou acquis après le 1er juillet 2016. Pour les droits d’auteur protégeant les softwares, dans la mesure où la protection ne requiert pas de demande mais nait automatiquement, la déduction sera applicable aux programmes qui n’ont pas généré de revenus avant le 1er juillet 2016. Il faut aussi noter que le programme d’ordinateur doit être le résultat d’un projet ou programme de R&D au sens de l’article 275/3, §3 CIR (dispense de versement de précompte professionnel).
- Elargissement des types de revenus éligibles
Les plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’un droit de propriété intellectuelle éligible de même que les indemnités perçues pour violation des droits de propriété intellectuelle peuvent dorénavant bénéficier de la déduction.
- Déduction applicable à de la demande du droit de propriété intellectuelle
La déduction est désormais applicable à partir de l’année au cours de laquelle la demande de brevet est introduite et plus à partir de l’année de délivrance du brevet.
Cette déduction est temporaire (réserve immunisée) et conditionnée à l’obtention du brevet. En cas de rejet de la demande, la déduction est reprise et des intérêts de retard sont applicables.
La déduction est applicable aux revenus mondiaux quel que soit le pays où la protection du DPI a été obtenue.
- Déduction à 85% sur le revenu net
Le taux de la déduction est porté à 85% mais la base de calcul est le revenu d’innovation net c’est-à-dire après déduction des coûts directs liés aux activités de R&D.
Lors de la première application de la déduction, les frais directs supportés lors des exercices antérieurs clôturés après le 30 juin 2016 doivent être pris en considération pour déterminer le revenu net.
Le calcul de la déduction se fait distinctement par droit de propriété intellectuelle ou, si cela est difficilement réalisable d’un point de vue pratique, soit par type de produit ou service, soit par groupe de produits ou services.
En cas de revenu d’innovation net négatif, le montant négatif doit être déduit des autres droits de propriété intellectuelle et, si un solde négatif subsiste, des périodes imposables suivantes.
- Limitation de la déduction dans le cadre de sous-traitance intragroupe et l’acquisition de droits de propriété intellectuelle préexistants
Le montant de la déduction devra être limité afin d’exclure les revenus provenant de droits de propriété intellectuelle acquis et les travaux de R&D sous-traités auprès d’entreprises liées.
Cet objectif est atteint par l’application de la « fraction nexus » aux revenus d’innovation nets : (dépenses qualifiantes de R&D x 1,3) / dépenses globales de R&D.
Les dépenses qualifiantes (numérateur) sont constituées des dépenses propres de R&D et des dépenses de R&D sous-traitées à un tiers majorées de 30% (le total est limité au montant du dénominateur).
Les dépenses globales (dénominateur) sont constituées de tous les coûts directs liés à la R&D en ce compris les coûts liés à l’acquisition de droits de propriété intellectuelle existants et les coûts de sous-traitance R&D réalisée par une société liée.
Le projet de loi prévoit qu’il est possible, à certaines conditions, de s’écarter de ce ratio lorsqu’une société démontre que la « fraction nexus » ne représente pas la proportion de la valeur ajoutée des activités de R&D qu’elle effectue elle-même. La société peut alors substituer à la fraction nexus un ratio plus en phase avec la valeur ajoutée de la R&D propre sous le contrôle du Service des Décisions Anticipées.
- Report aux exercices suivants du reliquat de déduction non utilisée
La déduction s’opère toujours après la déduction RDT et avant les déductions pour intérêts notionnels, pertes fiscales et pour investissement mais l’excédent de déduction non utilisé est maintenant reportable aux exercices suivants sans limite de temps ou de montant.
Emmanuel Delannoy
Avocat – Droit fiscal
ed@guilmotbassine.com
Cet article a été publié dans le Bulletin Juridique et Sociale n°583 (www.lebulletin.be) par maître Emmanuel Delannoy