La Cour d’appel de Mons a rendu une décision précisant l’étendue des pouvoirs d’investigation du fisc[1] dans un dossier où l’administration devait déterminer la résidence fiscale d’un contribuable.
Les faits de la cause sont les suivants :
Une ressortissante française a établi son domicile à La Louvière en septembre 2010 avec son compagnon et son fils.
Résidant en zone frontalière française et percevant des rémunérations d’une société établie en zone frontalière belge, elle bénéficie du régime fiscal des travailleurs transfrontaliers[2].
Pour les années 2006 à 2010, l’administration fiscale belge estima que cette contribuable avait déjà un foyer d’habitation permanent en Belgique au cours de cette période et a rectifié sa déclaration après avoir procédé à de nombreuses investigations dont notamment une « filature » entre le domicile présumé et l’école du fils de l’appelante et l’analyse de communications téléphoniques transmises dans le cadre d’une demande de renseignement à son employeur.
Cette dame introduisit un recours fiscal estimant que les règles en matière de charge de la preuve lue en combinaison avec les articles 8 de convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 22 de la Constitution dénonçant l’attitude de l’administration fiscale comme constituant une véritable atteinte à sa vie privée tant les constatations réalisées par l’agent taxateur dépassent les prérogatives reconnues aux agents du fisc.
En résumé, le contrôleur des impôts avait procédé à une véritable filature de la contribuable pour tenter de déterminer sa résidence fiscale.
Selon la cour, lorsque l’administration fiscale estime qu’une résidence est fictive il appartient à la juridiction saisie de vérifier à la lumière de faits précis et concordants si le contribuable dispose d’un foyer permanent d’habitation en Belgique[3].
Les agents de l’administration fiscale peuvent procéder à des constatations matérielles (en l’espèce, le constat de la présence d’un véhicule de la personne sur la voie publique en dehors des heures de bureau), toutefois au regard des article 8 de la CEDH et 22 de la constitution relative au respect de la vie privée certaines limites ne doivent pas être dépassées dont notamment l’organisation de véritable « filature ».
De même, Si la Cour d’appel de Mons reconnait à l’administration fiscale qu’elle puisse requérir la production de renseignements[4], même relatifs à la vie privée d’un contribuable, elle estime qu’en l’espèce l’exploitation des communications téléphoniques et les demandes de renseignement auprès de l’employeur de la contribuable serait disproportionnée.
La Cour d’appel de Mons rappelle utilement que les agents de l’administration fiscale ne sont pas des officiers de police judiciaire.
L’administration fiscale n’apporte dès lors pas la preuve du caractère fictif de la résidence en produisant des constatations effectuées suite à une filature de l’appelante ni des informations obtenues à la consultation des relevés téléphoniques communiquées par son employeur, la cour annule les impositions litigieuses.
Avocat – Droit fiscal
[1] Mons, 16 décembre 2016, RGCF, 2017/2, p. 141
[2] Article 11, paragraphe 2, c, CPDI France -Belgique du 10 mars 1964
[3] Article 340 CIR 92
[4] Article 335 CIR 92