Les entreprises où s’effectue un travail en équipe ou un travail de nuit, qui paient ou attribuent une prime d’équipe et qui sont redevables du précompte professionnel sur cette prime sont dispensées de verser au Trésor un montant de précompte professionnel sur l’ensemble des rémunérations imposables des travailleurs concernés par cette mesure[1]
Historiquement, un tel régime avait été instauré pour les entreprises effectuant un travail à la chaine.
L’article 275/5 §2 du CIR 92, précise que pour bénéficier de la réduction du précompte professionnel on entend « par entreprises où s’effectue un travail en équipe: les entreprises où le travail est effectué en au moins deux équipes comprenant deux travailleurs au moins, lesquelles font le même travail tant en ce qui concerne son objet qu’en ce qui concerne son ampleur et qui se succèdent dans le courant de la journée sans qu’il n’y ait d’interruption entre les équipes successives et sans que le chevauchement excède un quart de leurs tâches journalières »
Le législateur n’ayant pas défini de manière précise la notion d’équipe, la question de savoir si d’autres secteurs pouvaient bénéficier d’une telle mesure s’est rapidement posée.
Des chauffeurs de bus qui assurent une ligne régulière et qui se relaient sans interruption du service constituent-ils une équipe au sens de la disposition précitée ? Quid de dépanneurs d’un service d’assistance, d’équipes qui se relaient dans une grande surface ?
La Cour d’appel d’Anvers a récemment eu l’occasion de préciser les contours de la définition d’équipe[2].
La cour considère que la notion de travail en équipe dépasse le cadre du travail à la chaîne.
L’administration plaide que le travail en équipe doit être, par définition prester sur un même lieu et renvoie à la législation sociale qui dispose que pour constituer une équipe les travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail selon un certain rythme[3].
La cour ne retient pas cet argument considérant que cette définition ne correspond pas à la définition fiscale retenue dans l’article 275/5 du CIR 92. La cour estime dès lors que le fait que les chauffeurs de bus ne travaillent pas sur une même ligne ne serait pas exclusif d’un travail en équipe. Elle précise que tous les chauffeurs commencent et terminent leur service au même dépôt.
L’administration estime encore qu’il ne pourrait s’agir d’un travail en équipe dans la mesure où les chauffeurs travaillent de manière individuelle selon des horaires variables et que cale ne répondrait pas à la notion de « même travail quant à l’ampleur et l’objet » retenue par l’article 275/5 du CIR 92.
La cour réfute cet argument estimant que « l’ampleur et l’objet » doit porter sur le travail exercé et non l’équipe. Pour la Cour, tous les chauffeurs font le même travail et les circonstances en termes d’horaire ou de lieux importe peu.
Il n’est pas nécessaire que tous les travailleurs effectuent le même travail individuellement mais que chaque équipe exécute le même travail que l’équipe suivante.
Dans un autre dossier concernant des dépanneurs, la Cour d’appel d’Anvers estime également que le fait que les travailleurs travaillent à différents endroits n’exclut pas la notion d’équipe.
La Cour précise à nouveau que la notion de même travail en ce qui concerne l’ampleur et l’objet doit être analysée au niveau de l’équipe et non du travailleur.
Dans ces deux dossiers la Cour donne une définition relativement large de la notion d’équipe et va jusqu’à considérer que si une équipe doit être consister à minima de deux personnes, il n’est pas requis que le travail d’équipe soit réalisé en commun. Il est donc possible de réaliser un travail individuel à un des endroits différents comme c’est le cas pour les chauffeurs de bus et les réparateurs.
Si cette jurisprudence devait se confirmer, il n’est pas à douter que de nombreux secteurs pourraient être inspirés par la constitution d’« une équipe» afin de bénéficier d’une réduction de précompte professionnel sur les primes versées à ses membre.
Le service des décisions anticipées (SDA) a également eu l’occasion de se prononcer sur la portée de l’article 275/5 du CIR 92 dans des demandes où une chaine de supermarché souhaitait obtenir une réduction du précompte.
Le SDA a confirmé que les supermarchés pouvaient bénéficier de cette réduction dans la mesure où d’une part les horaires de travail des équipes dans les magasins et entrepôts sont déterminés de manière à ce que l’activité ne soit jamais interrompue et, d’autre part qu’« Afin d’optimaliser la productivité, la demanderesse a une exigence accrue de polyvalence de fonction et d’interchangeabilité envers ses travailleurs[4].
[1] Article 275/5 du CIR 92
[2] Voyez Anvers 21 janvier 2020, RG 2018/AR/1780, Anvers 19 janvier 2021, RG 2018/AR/755 et Anvers 15 octobre 2019, 2018/AR/402
[3] AR du 16 juillet 2004, art 2, 3°
[4] Décision anticipée n° 2017.824 du 28.11.2017 et décision anticipée 2017.795 du 28.11.2017